vendredi 31 juillet 2009

Edward Burtynsky et la "vieille ville" de Shanghaï

Dans les pas d’Edward, la suite.
Edward comme Edward Burtynsky, le toujours célèbre photographe canadien qui a réalisé entre 2003 et 2005 plusieurs séries de photos en Chine. En 2008, le film "Manufactured Landscape" est revenu sur son travail.
En 2004 donc, une photo de la série Urban Renewal nommée "Old City Overview, Shanghai, 2004" retenait notre attention alors que nous étions encore à Paris.
Nous avons retrouvé ce point de vue et sommes allé jouer au jeu des différences.

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2004, par Edward Burtynsky

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2009, par ReW

Depuis la toiture d’une tour de 25 étages, la vue est plongeante sur une nappe urbaine compacte.
Entre les deux clichés, la nappe cède la place à ses marges à des méga-tours ou des méga-barres.
Au loin les très grandes tours de Pudong sont très nombreuses. 5 ans de croissance urbaine ne sont pas ici si impressionnants.
La grande maquette Shanghai 2020 du musée de l’urbanisme nous rassure : dans 10 ans tout ça aura disparu.

jeudi 30 juillet 2009

Dishui Lake – Shanghai Harbor City

Shanghai est une ville sans montagnes (mis à part la colline de Sheshan).
Shanghai a un fleuve, le Huangpu, mais le balai des péniches transportant du charbon empêche toute navigation de loisir et la baignade y est fortement déconseillée.
Shanghai est à côté de la mer mais ne possède aucune plage. Le littoral est boueux sur plusieurs centaines de kilomètres.

C’est sans doute pour contrebalancer ces désavantages naturels qu’est né le projet de Dishui Lake. A l’extrémité de la péninsule de Shanghai, juste à côté de l’embranchement du Donghai Bridge, la côte a été modifiée en profondeur pour donner naissance à une retenue d’eau intérieure circulaire de 3km de diamètre : Dishui Lake, le plus grand lac artificiel au monde.

A la dubaïote, le sol marin peu profond a été pompé puis accumulé pour dessiner une nouvelle géographie. Autour du lac, la ville multi-fonctionnelle projetée a été bâtisée Harbor City (plus rarement Lingang New City).
Selon ses concepteurs, l’agence allemande GMP (von Gerkan, Marg und Partner), la ville s’inspire de la tradition moderne européenne.
Harbor new City fait partie des "One City, Nine Towns" déjà évoqué ici.

Ce qui frappe à l’approche de la "ville", c’est la largeur et l’apparente inutilité des voiries et autres aménagements. Les constructions ne sont pas là : seul un cadran a été bâti, et uniquement le long des premières rues concentriques. Quelques bâtiments officiels, vides et démesurés, apparemment terminés sont inexplicablement encore en chantier. Là-bas au loin des barres anonymes qu’égaillent un phare décoratif. Quelques panneaux publicitaires jaunissent au soleil. Partout le bruit du vent.
Une promenade permet de contempler le lac ; une sculpture en marque le centre et la géométrie exacte du plan d’eau anéantie toute perception. Le grand cercle vide aspire comme un trou noir.
Les bateaux de plaisance ne sont pas encore là mais un kiosque vend déjà des miniatures des bâtiments icones encore à construire. On remarque un poisson, réplique XXL de la sculpture de Gehry à Barcelone. Il existe en sous-verre ou en porte-clés.
Très joli.

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Yangshan Deep-water Port

Devant l’engorgement progressif du port de Shanghaï, les autorités locales se sont mis à la recherche d’un nouveau site dès l’an 2000. Avec sa côte plongeant doucement vers la mer, le territoire de Shanghai, est peu propice à l’accueil des grands bateaux.
A 120 km du Bund (le premier port historique de la ville), l’îlot de Yangshan, un morceau de granit oublié en mer de Chine, présentait les caractéristiques recherchées à un détail prêt. L’îlot se trouvait à 32 km de la terre ferme, en pleine mer. Il fallait donc un pont.
Le Donghai Bridge, inauguré en 2005, était à l’époque le plus long pont maritime du monde (il a depuis été déclassé par un autre pont, qui traverse la baie de Hangzhou et qui relie Shanghai à Ningbo) et permet de rejoindre le Yangshan Deep-Water Port.

3km de quai, un tirant d’eau de 15 mètres, 25 méga grues permettant chacune de remplir les plus grands porte-containers. Deux phases sont déjà opérationnelles et la troisième (prévue pour 2012) devrait porter la capacité du port à 15 millions de containers par an. Le coût total estimé pourrait être de 12 milliards d’euros.
Avec ses 4 sites, le port de Shanghai est le plus grand du monde (la liste ici) avec une capacité de 27 millions de containers par an. A titre d’échelle, Rotterdam est le premier port européen avec une capacité de 9 millions et Le Havre le premier port français avec une capacité de 2 millions.

L’îlot ressemble vaguement à une île bretonne. Le pont est interminable et en cette matinée lumineuse, nous regardions sans vraiment le savoir, nos futurs cadeaux de noël.

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mercredi 29 juillet 2009

Turner and Palmer on the Bund

Le Peace hotel vient tout juste d’être déballé. Le Bund est éventré. Shanghai est en marche.

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PS : Le Peace Hotel était jusqu’à sa fermeture pour travaux, l’hôtel le plus historique, le mieux placé et le plus prestigieux de Shanghai. Construit entre 1926 et 1929, dessiné par le célèbre groupe d’architecture Palmer&Turner Architects Limited a qui l’on doit plusieurs des plus belles réalisations de la concession internationale. Considérée comme l’adresse la plus prestigieuse à Shanghai jusqu’en 1949 sous le nom de Cathay Hôtel, l’hôtel fut transformé en bureaux municipaux après la prise de pouvoir par les communistes chinois puis retransformé en hôtel en 1956, sous le nom de Peace Hôtel. En 1992, il fut distingué comme l’un des plus prestigieux hôtels au monde par la World Hotel Association.
Les bâches qui le couvraient depuis notre arrivée viennent d’être enlevées ces jours-ci et c’est un nouveau Bund qui apparaît tout à coup.

mardi 28 juillet 2009

Pékin/Pérec

Je me souviens que la place Tienanmen ressemble à une piste d’aéroport, mais qu’il n’y a pas d’avions. Que des chars.
Je me souviens d’avoir mangé une pizza dans un Hutong. Cela s’appelait même "Hutong Pizza".
Je me souviens qu’il n’y a presque pas de tours à Pékin et que même les autoroutes surélevées sont surbaissées. Une ville chinoise "tunnée" en quelques sortes.
Je me souviens que la carte du restaurant Datong est épaisse comme un annuaire mais que tous les clients commandent le même plat : du Beijing Duck.
Je me souviens que la Badaling Highway, traverse la grande muraille. La section manquante a été remplacée par une passerelle d’autoroute crénelée comme la grande muraille.
Je me souviens que les Hutongs tant attendus ressemblent parfois très fort à des bidonvilles.
Je me souviens que la Cité Interdite évoque vaguement l’exposition Batimat de la Porte de Versailles à Paris. Mais avec uniquement des représentants de matériaux traditionnels chinois.
Je me souviens être venu de Shanghai à Pékin en train et avoir trouvé que la gare de Shanghai était mal organisée. Je me souviens être rentré de Pékin à Shanghai en train et avoir trouvé que la gare de Pékin était très mal organisée.
Je me souviens que le Stade Olympique de Pékin, très beau de loin, nous est apparu très sale de prêt. Les préposés à son nettoyage ne peuvent atteindre, avec leurs grands balais, tous les recoins du "nid d’oiseau".
Je me souviens que l’opéra de Pékin est d’une forme très pure, que les espaces intérieurs sont très purs mais qu’apparemment ses utilisateurs ont choisis d’y installer des plantes en pot. Et d’y installer tellement de plantes en pot que les espace ressemblent alors à des jardinets de banlieue.

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lundi 27 juillet 2009

798, "l’art dégénéré" ?

"Entartete Kunst", ou "l’art dégénéré”, l’exposition montée en 1937 et à Munich par le régime nazi avait pour but de dénigrer la production artistique de l’époque d’artistes trop juifs ou trop modernistes pour entrer dans les canaux du style national-socialiste. Pensée par Goebbels comme une mise au pilori, elle eut en fait un succès inattendu en rassemblant Max Beckmann, Otto Dix, Paul Klee, Max Ernst ou Oskar Kokoschka et marqua une date importante et une reconnaissance paradoxale du symbolisme et de l’expressionisme allemand.
La visite de la friche culturelle 798 de Pékin nous évoque vaguement ce moment historique. Le lieu et l’époque ne sont pas les mêmes et le rapport de force entre le pouvoir et la culture ne s’articule plus de la même façon.
La part la plus visible de l’art contemporain chinois (on devrait ici parler d’artisanat) se consacre activement à caricaturer et à réinterpréter l’esthétique révolutionnaire ou maoïste. Les idéaux socialistes sont détournés, raillés et l’on peut acheter ici, en sirotant son obligatoire latte, aussi bien un garde rouge de résine warholisé qu’un badge maoïste d’époque.
Sur le site, quelques galeries endormies, les restes d’une superbe usine des années 30 où seront bientôt accrochées les œuvres d’une nouvelle biennale et surtout, beaucoup de marchands de souvenirs.
Contre-culture radicale, foyer de contestation ? Le curseur idéologique a bougé et le lieu est beaucoup plus anodin qu’il n’y paraît. En Chine et aujourd’hui, un lieu labellisé de contre-culture light sous contrôle est presque une figure obligatoire du développement urbain (nous avons déjà évoquée les friches culturelles de Shanghaï).

La dégénérescence de l’art n’est plus une insulte jetée aux visages des artistes par un pouvoir effrayé mais un processus interne, acceptée par les créateurs.
Comme le disait Cang Xin, un des artistes à l’initiative de cette zone (à l’époque le squat héroïque d’un lieu destiné à la destruction) :
"Ce que le gouvernement n’a pas réussi par la censure, il est en train de l’obtenir par le commerce. Je ne vois plus beaucoup de contestation autour de moi."

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PS/

dimanche 26 juillet 2009

Commune by the Great Wall

La "Commune by the Great Wall" (Commune de la Grande Muraille) est une collection privée d’architecture dessinée par 12 architectes asiatiques. Exhibée à la biennale de Venise en 2002 et récompensée d’un prix spécial, elle accueille une clientèle internationale à un jet de pierre de la Grande Muraille et de Badaling, point d’accès quasi exclusif de tous les touristes pressés visitant la Chine en voyage organisé.
Dans les magazines glacés qu’on peut lire dans les avions, ce lieu s’appelle un "resort". Et il s’agit bien de cela, une villégiature au grand air, classieuse où 190 chambres, 11 suites présidentielles, un spa et 4 restaurants prennent t la forme de 42 villas dans un petit lotissement d’architectes verdoyant.
Cet oasis de modernité, niché dans sa vallée préservée, nous attirait depuis que nous l’avions découvert l’an dernier, au Grand Palais à Paris, lors de l’exposition "dans la ville chinoise".
Presqu’inaccessible sans chauffeur particulier, c’est après quelques détours que nous nous présentons, ce dimanche matin, devant la grille de ce lotissement sécurisé.
Le staff, armée de petits soldats du marxisme/capitalisme à la chinoise, nous accueille dans son très élégant ensemble noir orné d’une étoile rouge (on est quand-même en Chine communiste). Ici tout le monde sourit, et parle anglais, évidemment.
Les aménagements sont beaux mais l’architecture des villas est inégale : hangars décorés de bambous, gimmicks modernistes montés en parpaings ou véritables innovations spatiales.
Les 12 maisons d’origines ont été copiées (chacune de 5 à 6 fois) dans ce qui ressemble à une extension du projet. Tant qu’à copier, retrouver ici une villa Savoye, une villa Tugendat ou une Fallingwater house à la Franck Lloyd Wright aurait été plus amusant.
Un sentier privé, et très escarpé, permet aux hôtes de rejoindre la grande muraille. Ce que nous fîmes pour apercevoir l’ensemble avant de redescendre doucement vers le village en contrebas.
Nous franchissons la grille, le garde nous salue. Incroyable… nous sommes toujours en Chine.

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samedi 25 juillet 2009

Tourisme olympique – "Plus vite, plus haut, plus fort"

Hussein Bolt et Michael Phelps sont rentrés chez eux mais le Pékin Olympique à de beaux restes.
La foule des grands jours est toujours là à visiter le « Nid d’oiseau » et le « Water-cube », les marchands de souvenir aussi. Palmarès :
Médaille d’or de l’objet le plus laid pour le stade-cendrier en laiton
Médaille d’argent de la photo la plus bête pour les faux porteurs de flamme
Médaille de bronze de la plus grande piscine vide pour le bassin olympique (avec sa barque décorative).
« Plus cher, plus gros, plus étrange »

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PS : Au passage, le stade est quand même très beau.

vendredi 24 juillet 2009

Quand les échangeurs étaient blancs

En 1937, Le Corbusier publie "Quand les cathédrales étaient blanches".
A l’époque, les usines sont encore dans Paris et Notre-Dame est toute… noire.
Aujourd’hui les usines sont parties et Notre-Dame est de nouveau blanche.
A Shanghai, il n’y a pas de cathédrale mais les autoroutes sont toute neuves (10-15 ans à peine). Le béton des échangeurs est beau, frais et propre. Piles élancées, tabliers voûtés et lisses, on passe sous une autoroute comme on entrerait dans une église. Il fait frais, il y a de l’ombre et pour peu que l’on communie avec la modernité, le lieu n’est pas sans religiosité.

Pas vrai Charles-Edouard ?
« Les matériaux de l'urbanisme sont le soleil, les arbres, le ciel, l'acier, le ciment, dans cet ordre hiérarchique et indissolublement. »
Charles-Édouard Jeanneret (1887-1965) dit Le Corbusier in "Le monde urbain"

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mercredi 22 juillet 2009

L’éclipse éclipsée

La plus longue éclipse solaire du 21 siècle passait cette semaine par Shanghai. De manière assez sympathique, elle avait prévu de s’arrêter, ce mercredi matin de 9h36 à 9h41, pour 5 grandes minutes d‘obscurité. D’après les médias, 2 milliards d’être humains devaient assister à l’évènement. Vérification sur place.

Juchés en deux points de l’agglomération nous l’attendions, Rémi sur le toit de la grande poste côté Puxi et Emilie sur le prototype du pavillon français de l’expo universelle côté Pudong, appareil photo, en main mais sans lunettes de protection (rupture de stock).
Côté Puxi :
9h16, sur les ponts, les curieux se massent. La lumière décline doucement.
9h30, la pluie s’invite à l’évènement. 9h32, la toiture est évacuée (c’est comme ça). 9h34, tout le monde est dans la rue. 9h37, il fait nuit et la ville s’allume. Sur les chantiers les postes à souder continuent leurs soudures. Bus et taxis circulent encore. 9h38, il fait froid et des cris s’élèvent dans la foule. 9h39, il fait toujours nuit et tout le monde est mouillé. 9h42, il fait jour, Rémi et un touriste Japonais se prennent en photo sur le pont. Ici, personne n’a vu le soleil mais tout le monde est content.
Côté Pudong :
9h30, attente avec l’équipe d’Arte qui réalise un reportage sur le pavillon. 9h35, il fait jour. 9h36, le cameraman allume son projecteur. 9h39, flottement magique. 9h40, on est bien, pas de soleil mais pas de pluie. 9h39, ici aussi les ouvriers ne s’arrêtent pas. 9h42, le cameraman éteint son projecteur.
C’était super, promis on remet ça en 2132.

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PS / Dans les mythologies, les éclipses sont porteuses de grands changements. Celle de 2009 va-t-elle impacter l’urbanisation chinoise en cours ? Dans quel sens ?
A suivre…