samedi 11 avril 2015

Disneyland Shanghai… No trespassing

L’intuition est maintenant bien connue. Rem Koolhaas, dans son manifeste rétrospectif du manhattanisme ( New York Délire, 1978), à la recherche hallucinée des principes générateurs qui ont accompagnés sinon permis l’émergence de New-York, conçoit l’île de Manhattan comme un laboratoire et le parc d’attraction de Coney Island (la bande de sable à l’extrémité de Long Island que d’aucun ont qualifié de "clitoris de Brooklyn") comme un incubateur particulier ("an incubator for Manhattan’s incipient mythology").
"Entre 1890 et 1940, une nouvelle culture (l’ère de la Machine) choisit Manhattan comme laboratoire : île mythique où l’invention et l’expérience d’un mode de vie métropolitain et de l’architecture qui lui correspond peuvent se poursuivre comme une expérimentation collective qui transforme la ville entière en usine de l’artificiel, où le naturel et le réel ont cessé d’exister."


Un article d’Annabelle Gugnon dans le journal Le Monde en 2010 situait assez bien la puissance de cette analyse : "La contrefaçon des sensations a saisi l’architecture de tout le XXe siècle pour aboutir, au XXIe siècle, à un monde dont les utopies sont toujours des apogées. Plus on s’éloigne du sol, plus on s’éloigne de la réalité, plus le prestige et la conquête sont valables. La réalité est malléable à souhait : le faux et le vrai se dérangent sans jamais se rejeter. Le tourisme est partie prenante de ces fictions du monde, de rêves et de surfaces errantes."

En 1955, quand Walt Disney inaugure son premier parc d’attraction à Anaheim, dans ce qui est alors une "banlieue" agricole de Los Angeles, un nouveau moment s’ouvre.
Opérant la synthèse entre différents univers, son projet clôt est contrôlé constitue tout à la fois un projet nostalgique et une anticipation futuriste. Disney Land apparait comme un projet tout à la fois rétrospectif et prospectif : Fantasyland et Tomorrowland.
L’articulation de ces univers antinomistes est établie par une figure urbaine qui devient centrale dans le Parc, incontournable et majeure, alors même que cet archétype urbain disparaît dans le Los Angeles des années 50 et 60 : la rue.
Main Street USA, à la fois porte d’entrée, couloir de distribution et attraction en tant que telle, réinvente la rue au moment même ou les fonctionnalistes et les modernes la condamnent : la rue simulacre est née, nouvel archétype "zombie" qui influencera les "New urbanists" post-modernes à partir des années 80.

Si Coney Island est le laboratoire de la densité et de l’hyper-ville spectaculaire, Disney Land est peut-être alors celui de la thématisation artificielle, de l’étalement sectorisé et du simulacre commercial : autant de dimensions qui décrivent assez bien le projet fantasmatique shanghaïen : Shangwhy, capitale du XXI e siècle.
La figure du train monorail rapide, véritable icône de la modernité depuis les futuristes italiens, n’établit-elle pas un lien ? Le Disney land Monorail (1961) n’est-il pas la préfiguration du Maglev (2004), le train à suspension magnétique qui établit le lien entre l’aéroport et le centre-ville : le même objet technique, du fantasme/simulacre à la réalité.

Et Shanghai va donc accueillir un nouveau parc d’attraction : Disney Land Shanghaï.
Les pourparlers ont commencé en 2006 pour l’installation d’un deuxième parc Disney en Chine soit un an à peine après l’ouverture de celui de Hong Kong (en 2005).
Le projet est officialisé en 2009 et approuvé par le gouvernement chinois. Dès la clôture de l’Exposition universelle en novembre 2010, l’interdiction de travaux est levée et le chantier débute.
Le terrain consacré au projet de Pudong est quatre fois plus étendu que celui de Hong Kong.
Comme s’il pouvait en être autrement à shanghai, le parc sera le plus grand a son ouverture de tous les parcs Disney au monde et aura « un grand nombre de nouveautés telles qu'un château inédit (l'Enchanted Storybook Castle), des attractions aquatiques et des lands totalement renouvelés », a indiqué Disney.
"En mai 2014, Disney dévoile le plan de masse du parc et indique qu'il a été dessiné selon le même concept que Disneyland Paris : créer de toutes pièces un nouveau Royaume Enchanté et non simplement copier un ancien parc afin de ne pas refaire la même erreur qu'avec Hong Kong Disneyland. Ce dernier a beaucoup souffert de son manque d'originalité auprès du public, puisqu'il fut construit d'après le Royaume Enchanté de Californie." (source wikipédia)

Il n’en fallait pas beaucoup plus pour me motiver à aller faire un petit tour de ce nouveau "haut lieu" bientôt accessible grâce à une ligne de métro en chantier mais dont je me suis approché ce jour-là à l’arrière d’un scooter-taxi informel.
Le temps était à la pluie et nous avons louvoyé autour et à procimité du chantier pendant quelques heures jusqu’à l’arrestation.
Une arrestation privée, avec vigile, mais une arrestation quand même qui m’a conduit jusque dans un bureau où une responsable anglophone m’a demandé ce que je faisais ici.
Les explications l’ont sans doute convaincues (j’ai résumé le propos quand même) et j’ai été « relâché » non sans avoir été invité à effacer la carte mémoire de mon appareil photo et après m’être assuré que si en tant que Laowei, je ne risquais pas grand-chose, mon chauffeur du jour ne serait lui pas inquiété.
la sécurité Disney : à l’intérieur d’un gros gant blanc… une main de fer à quatre doigts.

Il m’a fallu donc revenir pour me faire quelques impressions et essayer depuis les autoroutes qui entourent le site, le donjon du château en chantier.
Cette attraction de plus est-elle véritablement une chambre d’acclimatation, un incubateur koolhaassien d’une hyper-modernité chinoise en cours d’invention ou la simple reprise de recettes occidentales implantées dans un nœud autoroutier de Pudong ?
Il faudra peut-être revenir.

Ouverture en décembre 2016.






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