WANG Shu est assurément un homme précieux.
Cet architecte chinois, Pritzker Prize 2012, a développé depuis une dizaine d’année une activité architecturale aussi rare que majeure et a en quelques projets ouvert une nouvelle voie à l’architecture chinoise. Son approche, résolument contemporaine, peut se lire comme une réflexion bâtie sur l’identité architecturale chinoise : depuis la mise en scène des atteintes faîtes au patrimoine jusqu’à la redécouverte de techniques anciennes ou à la mise en avant de certains matériaux locaux.
Connu grâce à quelques œuvres majeures (dont le musée de la ville de Ningbo), WANG Shu est également à l’origine de nombreuses initiatives pédagogiques ou expérimentales, qu’il initie ou parraine depuis son agence de Hangzhou et l’école d’Architecture dont il est le directeur (CCAA).
Dans les villes et villages du Zhejiang, la province au Sud de Shanghai dont Hangzhou est la préfecture, de nombreuses initiatives fleurissent. A la suite de WANG Shu, les responsables de ces expériences bâties tentent de répondre aux mêmes questions : comment développer des méthodes et des pratiques plus locales et plus durables, quelles solidarités mettre en place entre la Chine des villes et celle des campagnes et comment construire dans un contexte où les traditions constructives ont été perdues, où la notion de conservation du patrimoine est encore une idée neuve et où le faible nombre des concepteurs est encore trop souvent à l’origine d’une massification des réponses architecturales et urbaines.
Le Village de Baoxi, à proximité de la ville de Longquan, constitue justement le lieu d’une de ces initiatives. A l’invitation des associés de WANG Shu, et en compagnie de Françoise Ged et de Bruno Hubert, j’ai eu la chance d’y passer deux jours et de constituer ce relevé d’impressions et d’étonnements. Dans ce village très isolé, les bonnes volontés semblent nombreuses, l’ambition très importante et les intérêts en jeux sont d’autant plus difficilement compréhensibles.
Au départ de Hangzhou, cette visite débute par un trajet de 6 heures sur les autoroutes neuves du Zhejiang. Ce week-end correspond à une période de congé (le dragon festival) et la sortie de la ville est difficile : vacances, voitures familiales chargées et bouchons, la Chine change…
La sortie s’effectue à Longquan où le maire du village de Baoxi et un responsable du district sont venus nous accueillir.
Le village est encore à près de deux heures de route. La voiture semble s’enfoncer en remontant plusieurs vallées, à travers des villes et des villages de plus en plus petits et des campagnes où les petites manufactures de céladon (porcelaine chinoise vert pâle) festonnent avec les champignonnières en plein champ et les plantations de thé. L’asphalte laisse progressivement la place à une route de gros béton. Les bosquets de bambous se multiplient à mesure que la densité habitée diminue. Une dernière colline et un orage de grêle plus tard, nous descendons vers Baoxi.
Baoxi et ses 3000 habitants, ses champignons et ses fours traditionnels, ses ateliers minuscules et son église. Baoxi et sa Biennale internationale d’architecture en Bambou.
Le contraste est saisissant. Au fond d’une cuvette serpente une rivière à l’eau étonnamment claire qui sépare deux rives. Au sud, un village ramassé où d’anciennes maisons à cours s’adossent à des petites constructions plus récentes. Le clocher de l’église seul émerge de cette nappe. Deux grandes rues et des venelles, une promenade sur les berges, un pont en dur et des passerelles.
Au Nord, c’est le site de la future Biennale. A la manière d’une toute petite exposition internationale des pavillons ont été confiées à des architectes internationaux et répartis sur un site de quelques hectares, sur la rive opposée au village, dans un face à face presque dialectique.
Des architectes américains (George Kunihiro), chinois (Li Xiaodong et Yang Xu), allemands (Anna Heringer), colombien (Simon Velez), italien (Mauricio Cárdenas Laverde), koréens (Sook hee Chun - Wise), vietnamiens(Vo Trong Nghia), Sri lankais (Madhura Prematilleke) ou encore japonais (Keisuke Maeda ainsi que Kengo Kuma) sont venus explorer ici les performances techniques d’un matériau particulier : le bambou.
Les premiers travaux ont commencées en août 2013 et pendant deux ans des expériences constructives vont être menées. Les objectifs sont multiples.
D’abord, il s’agit d’implanter localement un Centre de recherche sur la Céramique et le Bambou, plusieurs hôtels (« Art hôtel » et « Youth Hôtel »), des halles d’exposition (« Life Museum »), des cafés, des bâtiments d’accueil et des prototypes de maison durables.
Ensuite, il s’agit d’organiser un évènement et d’accueillir un public.
Le thème de cette première biennale est « Genius Loci » et l’ambition affichée est bien celle d’une pédagogie par l’exemple : démontrer la faisabilité d’un développement durable et concerté, à petite échelle et intégré au paysage sachant utiliser les matériaux locaux (céramique, galets, terre et bambou) et promouvoir leur usage auprès des habitants comme des entrepreneurs locaux.
Les organisateurs expliquent que ce n’est pas le succès à court terme qui est recherché mais bien la mise en place d’un processus.
Si le site internet explique bien cette ambition (http://www.bamboocommune.com), le séjour local nous encourage au questionnement.
Le dispositif de mini-biennale, sans contact avec la trame urbaine de ce bourg semble isoler cette opération. Ce champ d’expérience peut-il répondre aux enjeux du logement dans cette vallée. Les bâtiments ne semblent pas avoir été pensés pour offrir des usages pérennes après la biennale.
Les responsables du village semblent habités par ce projet. Ils nous accompagnent sur le site, le soir de notre arrivée puis le lendemain en compagnie d’une télévision locale venue spécialement filmer les « experts » étrangers de passage, font un pas de côté pour ramasser (ou faire ramasser) un sac plastique qui salissait la rivière et évoque devant un gigantesque panneau coloré l’aspect à terme du site.
Le jour de notre passage, le site semble désert néanmoins. Pas d’ouvriers sur le site et les bruits sourds que nous avons cru d’abord venir du moteur d’un engin proviennent en fait d’un fouloir hydraulique de bois qui écrase un peu plus loin le kaolin, cette argile blanche qui sera transformée ici en céramique.
Sur leur rive, les habitants sont curieux de nous regarder passer et chacun vaque à son activité sans s’émouvoir de cet évènement à dimension internationale qui avance sur l’autre rive.
A travers les portes ouvertes des maisons et des ateliers c’est une autre vie qui coule et d’autres histoires qui se racontent : ici une champignonnière, un peu partout des portraits de Mao, une grande halle datant de la révolution culturelle et construite par les étudiants déplacés, des rassemblements associatifs.
Le soir venu, à la lumière des néons, les villageois se rassemblent. Mahjong, ping-pong, chants… Un bourdonnent nous attire et nous poussons la tête.
De petites mains féminines s’affairent. Ici on cout des gants de ski.
ET SI ON ÉCOUTAIT UN PEU PLUS LES SPORTIFS BLESSÉS ?
Il y a 2 jours
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