700.000 japonais y auraient été décimés l’année dernière.
Si cette hécatombe n’a pas suscité d’émoi international, c’est sans doute qu’elle s’est déroulée sous l’œil complice des caméras de la télévision nationale et du cinéma. A Hengdian, tout est sujet à caution. A la suite de Guy Debord (dans « La société du spectacle » -1967), il possible de dire qu’ici : « Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux.».
Bienvenue à Hengdian World Studio (横店影视城), les plus grand studio de cinéma d’Asie situés à Hengdian, dans la ville de Dongyang à proximité de Jinhua (Zhejiang).
Appelé parfois « Chinawood », ce studios privés ont été fondé à partir de 1990 par Xu Wenrong.
Même depuis le toit de la réplique échelle un de la Cité interdite ou le long des fausses falaises escarpées (mais accessible en télécabine ») qui entendent rappeler Datong, il est difficile de se faire une idée de l’ensemble du complexe.
Celui-ci se développe sur 13 sites de tournages disséminés dans la ville sur un total de 330 ha avec près de 50.000 m² de bâtiment (dont deux studios high-tech).
Ici les décors ne sont pas de simples façades. A grande échelle et sur toutes leurs dimensions, il s’agit bien d’univers clos et contrôlé, largement ouverts aux visiteurs payants cependant.
Le studio prend ainsi la forme d’un parc à thème multi-site et il est possible de visiter ici : une réplique du Canton (Guangzhou) des années 30 (pour les films de gangsters), le palais de l’empereur Qin, des villages d’eaux typiques du Sud de la Chine, plusieurs temples (Dazhi), des bouddhas gants creusés dans la roche (et la mousse à haute densité) ou différents types d’habitats « traditionnels » chinois.
Le grand nombre de film tourné ici (plus de 4000 fictions pour le cinéma ou la télé depuis 1995), ainsi que le fort niveau des visiteurs, assure une grande quantité d’emplois localement. Un jour normal, près d’une dizaine de tournages peuvent avoir lieu simultanément. (source : http://www.interestingworld.info/hengdian-world-studio/)
Ont notamment été tournés ici : « The Opium War « (1997 par Xie Jin), « Hero » (2002 par Zhang Yimou), « L’empereur et l’assassin » (1999 par Chen Kaige), « La Momie : la tombe de l’empereur dragon » (2008 par Rob Cohen), « Tigre de Dragon 1 & 2 » (2000 par Ang Lee et 2015 par Woo-Ping Yuen), « Dead or alive » (2007 par Corey Yuen). Soit autant de films chinois à grands budgets et de production internationales.
Salaires bas, bon niveaux des techniciens et des cascadeurs, horaires hyper-flexibles, les réalisateurs adorent.
L’histoire de la création de ce lieu par Xu Wenrong est intéressante.
Celui-ci est né ici en 1935 et a quitté l’école à l’âge de 13 ans. Cultivant la terre à l’origine, il se décrit lui-même comme « un fermier ayant viré entrepreneur » quand à l’âge de 40 ans (en 1975) il obtient un prêt gouvernemental pour développer une usine de soie.
A la tête du Hengdian Group, il se diversifie dans l’électronique, la pharmacie et la chimie et devient milliardaire en quelques années. Dès les années 80, son groupe est ainsi présent dans les technologies des bandes magnétiques.
Quand en 1996, le réalisateur Xie Jin se lance à la recherche d’un partenaire pour construire un décor géant pour son film à gros budget autour d’une reconstitution gigantesque de la guerre de l’opium, Xu Wenrong se propose et réussit à construire le décor de 20 ha en trois mois.
Celui-ci comprend 120 maisons, une rivière et une tour. Il réalise cet exploit dans sa ville natale (un bourg rural mal connecté à l’époque) et l’histoire des studios est lancée.
Le site a généré une activité de 176 millions de dollars en 2013 et a accueilli 12 millions de visiteurs la même année. Il s’agit de la troisième destination touristique chinoise derrière la Cité Interdite (la vraie) et le site naturel de Wulingyuan.
La ville d’Hengdian compte aujourd’hui 80.000 résidents et le studio constitue ici l’activité principale.
Les studios semblent beaucoup plus actifs que les sites californiens que j’ai pu visité par ailleurs. A la fois vrai par d’attraction, la fonction première du site reste la création de films.
Partout, en parcourant ces différents sites, il est possible de croiser techniciens, décorateurs ou acteurs.
Ici, toutes les fictions correspondent autour de reconstitutions historiques.
La place de la télévision dans la société chinoise n’a été que peu analysée (à ma connaissance) et peu décrite.
Avec ses 11 chaînes, la télévision d’état (CCTV) constitue un robinet à haut débit qui diffuse à l’échelle nationale des fictions calibrées. Dans toutes les boutiques du pays, mais également dans le trains, sur les tablettes ou les portables, des milliards d’yeux regardent en permanence ces fictions historiques.
Paysans courageux en prise à de terribles propriétaires fonciers, drames amoureux raisonnables et mouvement de résistance populaire aux différentes périodes d’occupation, la télévision et le cinéma chinois visent à l’édification des masses.
La résistance maoïste (et nationaliste) à l’occupation japonaise constitue un ciment collectif important.
Les japonais n’ont pas finis de mourir à Hengdian. Et tant pis s’il ne s’agit pour le moment que de simples figurants chinois déguisés.
ET SI ON ÉCOUTAIT UN PEU PLUS LES SPORTIFS BLESSÉS ?
Il y a 2 jours
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