Rencontre de Guy Wiener, directeur et fondateur de la société
Shanghai Organics, producteur de fruits et légumes bio dans la périphérie de Shanghai et fournisseur des magasins Carrefour dans l’agglomération.
Guy Wiener est jeune, allemand et anglophone. Il nous reçoit dans ses bureaux, quelques pièces simples au rez-de-chaussée d’une tour d’habitation anonyme.
Après des études de droit à Francfort, c’est à Shanghai au contact de la famille de sa femme chinoise, qu’il envisage de se consacrer à l’agriculture bio. Au milieu des années 90, des inquiétudes alimentaires émergent parmi la classe moyenne supérieure qu’il fréquente. Pas de traçabilité, labellisations frauduleuses, scandales à répétition et les des libertés prises avec la santé publique dans un marché en plein boom. L’enrichissement d’une part importante des populations urbaines engage en effet une diversification de l’alimentation : protéines animales et végétaux frais en quantité plus importante dans un pays où la consommation de légumes à toujours été importante. En occident, le taux de croissance du bio est de l’ordre de 20 à 30% et Guy Wiener pense que dans ce domaine, comme elle le fait dans tous les autres, la Chine va entrer dans le mouvement.
« Il y a quinze ans, toute la zone de Pudong était occupée par des agriculteurs ». La croissance exponentielle de la ville a entamé un déplacement progressif de plusieurs exploitations rattrapée par l’agglomération. Ainsi la société American Garden, expulsée de Pudong pour Qibao puis vers Songjiang.
Shanghai Organics fondée en 1998 et installée à Xinqiao fut de même expulsée en 2005 et s’installe à Songjiang à 30 km du centre (soit une translation de 15km).
L’opération fut intéressante financièrement car le prix du terrain loué à long terme était inférieur au montant de son indemnisation. Guy Wiener attend sans inquiétude son hypothétique nouveau déplacement. Le mouvement général de la ville concentre ainsi les zones de production : Songjiang, Nanhui, Fengcheng, Pudong et Qingpu. Seule les fermes gouvernementales (cf. Sunqiao Modern Agriculture Park) peuvent résister à ce mouvement, se transformant alors en show-room agricole.
Les types de production sont répartis selon la nature des produits. Les légumes verts et frais (salades et autres périssables) sont cultivés à proximité des agglomérations car devant être livrés rapidement. Leur haute rentabilité compense le prix supérieur de la terre. Les légumes "stockables" sont produits beaucoup plus loin des zones de consommation.
Pour Guy Wiener et plus globalement L’agriculture chinoise se trouve dans une phase charnière à plusieurs points de vue :
-les zones cultivables régressent rapidement et demeurent peu nombreuses. « 1 million de paysans chinois travaillent aujourd’hui en Afrique. Henning Mankell, l’écrivain suédois en fait même le sujet de son dernier polar (
cf.). »
- le niveau de vie en Chine progresse rapidement et la demande pour une meilleure qualité de vie aussi. En conséquence, l’alimentation se modifie.
- 700 millions de chinois sont des paysans (57% de la population environ). Beaucoup sont très pauvres et produisent très peu selon des méthodes archaïques. Leur compétitivité provient de leurs coûts de production quasi nuls : pas de salaires versés, peu de chimie et peu d’achat de graine.
L’équation à résoudre pour le pouvoir central est à plusieurs variables. Comment accompagner une urbanisation nécessaire sans obérer les capacités futures du pays à se nourrir ? Comment moderniser l’agriculture sans faire exploser le taux de chômage ?